[HAJJ 2018] Les chroniques de Linda #7 : Le Hajj

8ème jour de Dhoul Hijja : Départ pour Mina

Ma nuit a vraiment été courte, beaucoup trop courte.

Il était prévu que l’équipe bus parte à 02h du matin et nous les piétons entre 08h30 et 09h. Mais voilà, impossible de maîtriser les horaires d’arrivée des bus donc leur départ ne s’est fait qu’à 07h du matin, la plupart des personnes concernées n’a pas fermé l’oeil de la nuit et nous avons été plusieurs fois réveillés en sursaut par une espèce de sirène qui m’a rappelé les temps de guerre lol (même si je n’ai jamais connu !).

Du coup, vers 03h du matin Ibliss a commencé à m’attaquer, suis-je vraiment prête pour faire le Hajj à pieds ? Est ce que je vais réussir à supporter la chaleur et ne pas tomber dans les pommes comme cela m’arrive fréquemment en France ?

Il a bien travaillé puisque je ne suis pas arrivée à me rendormir.

À partir du Fajr, Ghousl  à la chaîne pour mes coloc afin de se préparer à l’état d’Ihram. 0!h30 rdv devant la résidence puis départ pour le Haram. L’équipe est gonflée à bloc, nous sommes 81 à démarrer ce hajj piéton, l’ambiance est euphorique.

Arrivés au Haram, l’intention est prononcée, nous prions 2 unités, un coup de zamzam et ça y est, la talbiya démarre dans la joie et la bonne humeur et c’est officiel : nous entrons dans le cercle des pèlerins 2018 !

Le Hajj piéton dont nous avons parlé depuis des semaines, il est là, c’est maintenant et les kilomètres commencent à augmenter pas à pas.

Sur notre route, des espèces de policiers ou militaires suivant les endroits nous distribuent des bouteilles d’eau ou nous aspergent avec des brumisateurs (quelques fois système D oblige, ce sont des bouteilles d’eau juste percées qui servent à nous asperger).

Ces petits gestes que nous retrouvons tout au long de notre périple m’ont profondément marquée, le fait de vouloir soulager les pèlerins par tous les moyens de la chaleur, c’est juste magnifique car croyez moi, quand il fait aussi chaud en plein effort, une bouteille d’eau vaut tout l’or du monde. Et même moi qui ai beaucoup de mal à boire de l’eau en temps normal, ici les litres ont défilé dans mon corps.

Je ne sens aucune gêne, je suis bien dans mon corps, d’ailleurs j’ai décidé d’arrêter tous mes traitements ici, l’eau de Zamzam sera mon unique remède et grâce à ses bienfaits nous arrivons à nos tentes à Mina après un peu plus de 3h (pauses incluses) et 15km vers 12h sous un soleil de plomb.

C’est bon, j’y suis arrivée, aucun malaise pour moi, j’ai validé la 1ère étape du parcours. Je suis certes un peu fatiguée mais tellement fière de moi, mes gorgées de Zamzam et mes invocations sur la route ont été exaucées al hamdoulillah.

Mina, ma plus belle expérience humaine

Mina, c’est des tentes blanches à perte de vue, une véritable petite ville avec tout un système bien rodé, des rues avec des numéros, des campements classés par zone géographique. Un véritable échantillon de la population à l’échelle mondiale.

Nous sommes au campement 51 de la Zone Turquie, Europe, Amérique du Nord et Australie.

Nous découvrons la tente dans laquelle nous allons passer quelques jours. Ma 1ère impression ? Espace trop confiné pour autant de personnes et confort minimaliste pour nous autres occidentaux un peu trop habitués à notre confort.

Une fois que nous sommes installées, je me dis que la création de Dieu est parfaite, nous sommes dotés d’une capacité d’adaptation extraordinaire, fini le sentiment de confinement mais plutôt un sentiment très fort de rapprochement avec les soeurs du groupe, la proximité aidant, nous développons de vraies relations pures et sincères, nous sommes devenues une vraie famille. L’entraide et la fraternité sont plus que présentes, aucune mauvaise pensée sur telle ou telle personne..

À ce moment là je me dis que c’est sûr, tout notre groupe est lié à jamais et je ressens l’intensité de ce lien si fort que je n’ai jamais éprouvé pour des personnes que je ne connaissais pas il y a tout juste quelques jours. Si vous avez suivi mes chroniques depuis le début, j’avais expliqué que suite au désistement de 2 amies avec qui nous avions prévu d’effectuer notre pèlerinage j’étais prête à remettre en cause tout mon voyage.

Aujourd’hui, mon sentiment n’est pas d’avoir fait mon hajj avec 2 amies mais avec des dizaines d’amies !

On a l’impression de se connaître depuis toujours, et franchement, ce sentiment, ce lien si fort entre nous est un des bienfaits de Mina, la promiscuité nous a permis de nous découvrir sincèrement sans aucun masque, en un temps vraiment record.

On sent que les séances de Dhikr que nous avons partagées ainsi que les khatmas de Coran ne sont pas étrangères à cette “ni3ma” de Dieu. Le groupe est un élément clé du pèlerinage et de son entente dépend la réussite du Hajj j’en suis certaines !

Et de ce côté là on ne peut pas nier les bienfaits dont nous a comblés Allah, notre groupe est un super groupe, tout le monde est unanime aussi bien du côté femmes que chez les hommes.

Arafat

Après une première nuit à Mina, le grand jour est arrivé. Nous sommes le 9ème jour de Dhoul Hijja. Tout le monde connaît l’enjeu de cette journée. J’ai même appris qu’on ramenait les pèlerins hospitalisés à Arafat pour qu’ils ne ratent pas leur Hajj. Et ça franchement, même si je ne suis pas fan de ce qui est fait dans ce pays, je trouve ce geste majestueux et globalement j’ai été agréablement surprise de l’encadrement et du respect réservé aux pèlerins.

Arafa est donc la journée du Hajj, d’ailleurs notre bien aimé prophète 3alayhi salam n’a-t-il pas dit ” le Hajj c’est Arafa” ?

Côté préparation, al hamdoulillah, pour nous Sami a assuré de ce côté puisqu’il nous avait prévenu de ce qui risquait d’arriver si on ne se focalisait pas sur l’essentiel, à savoir, les invocations. Ce n’est pas le moment de lire du Coran, même la prière est regroupée et raccourcie, Dieu a voulu dans son immense générosité nous dégager le maximum de temps afin de nous concentrer sur les invocations.

Et c’est encore moins le jour des conférences …

À ce propos, il m’est impossible de taire ce qui s’est passé côté femmes. Avec les soeurs, nous nous étions concocté un programme sur mesure (conformément à la préparation de Sami) à savoir que nous nous laissions 30 à 40 min de dou3as personnelles et nous retrouver à la fin pour des dou3as en groupe pour les soeurs qui ont clôturé le Coran. Ce jour là, les soeurs ont assuré puisqu’il y en a eu 7 ou 8.

Nous commençons donc notre programme lorsque 2/3 hommes surgissent dans notre tente avec un gros haut parleur pour qu’on puisse profiter de la conférence, c’est la catastrophe, on n’en veut pas de cette conférence, impossible de mettre en pratique notre programme avec. Mais que faire ? nous sommes une centaine sous cette tente et ce n’est pas notre avis qui va primer.

Avec 2 autres soeurs on se regarde et on se dit il ne nous reste qu’une solution : Zamzam et invocation ! Nous sommes 3 sur 100. Au bout de 10/15 min on entend : “Les soeurs désolés, pas de possibilité d’installer la baffe du haut parleur”. Encore un miracle de Zamzam et de ce jour tant aimé du tout puissant.

La voie est libre, l’après midi se déroule selon nos volontés.

Le maghreb approche, il est temps de quitter Arafat avec un sentiment de satisfaction, nous n’avons pas perdu notre temps, bien au contraire ce temps là que nous n’aurons pour la plupart plus l’occasion de revivre, il n’a servi que pour évoquer Dieu comme Il nous l’a demandé. La valeur de ce temps là est inestimable et je ne remercierai jamais assez notre Créateur pour nous avoir offert l’occasion de vivre ce temps là “si précieux et si éphémère à la fois”.

Mouzdalifa

Le maghreb étant passé, comme l’exige la Sounna, nous nous mettons en marche pour le grand déferlement. Jamais je n’oublierai cette masse de pèlerins arrivant de tous les côtés, toutes origines confondues nous marchons mécaniquement dans la même direction.

Impossible de ne pas faire le parallèle avec le jour du jugement dernier, l’image est trop forte, c’est comme si nous avions quitté nos tombes et que Dieu nous rappelait à Lui. Nous sommes entrain de vivre une véritable répétition de ce moment. Et comme l’a dit un ami à juste titre : la seule différence avec ce jour c’est que nous avons la possibilité de revenir en arrière pour réparer nos erreurs après ce sera trop tard.

Il y a tellement de monde qu’il est difficile d’avancer, chacun est pris dans sa spirale comme concentré sur son propre sort. C’est de là que prend le sens du fameux hadith que j’avais un peu de mal à concevoir, celui qui dit que le jour dernier chacun avancera nu tellement préoccupé par son propre sort que la nudité des autres sera bien la dernière de ses préoccupations.

De loin, on commence à apercevoir les lumières de la mosquée d’Al Machaar Al Haram, c’était l’un des principaux avantages du hajj piéton (la proximité de cette mosquée), Dieu nous en parle dans sourate Al baqara (V155). Nous arrivons à trouver un espace juste en face, un vrai miracle quand on voit que chaque mètre carré est occupé par des pèlerins, là encore, Dieu nous a facilités Al hamdoulillah !

Nuit à la belle étoile pour tout le monde, les femmes sont entourées de leurs mahrams. Le sol est brulant et je dois avoir un tapis de 2mm, très difficile pour moi de dormir mais je finis par m’assoupir une petite heure pour un réveil à 03h pour tout le groupe, mais je ne suis pas trop fatiguée. J’ai oublié de vous dire qu’en terre sainte le sommeil n’est plus du tout le même, ici 1h de sommeil équivaut à 08h en France pour ma part.

C’est simple, j’ai eu l’occasion de tester des siestes au Haram avec des amies et à chaque  réveil de sieste on avait l’impression de démarrer une nouvelle journée. Et puis il y a cette sensation d’être à Makkah depuis des jours comme si on l’avait toujours connue, comme si notre âme avait déjà connu cet endroit qui nous paraît si familier à tel point que même ceux qui se perdent (petit clin d’oeil à une personne qui se reconnaîtra, un indice : Hajj à pieds nus) n’éprouvent jamais le sentiment de peur. Encore des bienfaits de Dieu sur cette terre bénie. Même moi en temps que femme, j’éprouve un sentiment de sécurité et de sérénité.

C’est dans cette ambiance de sérénité que nous quittons Mouzdalifa après avoir évoqué Dieu jusqu’au début du lever du jour conformément à la Sounna.

Jour de l’aïd

Direction Mina, nous sommes le 10ème jour, c’est l’aïd, mais ici, point de fête, notre journée est chargée. Nous continuons vers les jamarates pour la lapidation, 7 petites pierres sur la grande stèle chargée d’histoire de la lapidation d’Ibrahim 3alayhi salam à la grande allégeance des Ansars. Ce moment est très court en durée, quelques minutes à peine mais c’est un énorme défouloir qui je suis sûre est encore plus bénéfique qu’une thérapie lol.

Direction la Mecque, petit détour par la résidence, une bonne douche pour chacun, rasage pour les hommes de leurs cheveux et quelques mèches pour les femmes et nous repartons pour notre tawaf d’Al Ifada et sa3y.

Étape validée : nous pouvons nous désacraliser la grande désacralisation. Le soir nous revenons à Mina rejoindre le reste du groupe qui n’a pas pu se rendre à la Mecque pour des raisons essentiellement physiques.

Nous sommes détendus, avoir retrouvé la kaaba et zamzam nous a fait le plus grand des biens. C’est dingue, nous avions quitté la Mecque depuis seulement 2 jours et elle nous a déjà tellement manqué. Je sens déjà que le départ va être difficile, une partie de notre coeur va rester ici à jamais. Voilà pourquoi les personnes qui sont déjà venues ne peuvent retenir leurs larmes  à la vue de la kaaba.

Fin de Mina, la tristesse est au rdv

Les 3 prochains jours sont rythmés par les lapidations quotidiennes, un rapprochement de plus en plus fort entre les filles, de vrais moments de complicité, des séances de Dhikr communes, des repas partagés et tout cela sans aucune distinction d’âge.

Jeudi matin, comme le permet la Sounna, les bussiens (pour la plupart) rentrent à l’hôtel, une grosse partie de notre tente est vidée (surtout les femmes des autres groupes oran voyages), car mine de rien, nous étions 3 tentes réunies ensemble soit bien 90 personnes !

C’est l’occasion pour les filles qui restent de se mettre à l’aise : ménage et réorganisation sont au rdv. Il paraît qu’on avait toute la banane sur le visage nous dira plus tard une soeur. Comme quoi il suffit de peu pour être heureux lol

Vendredi matin, il est temps pour nous aussi de quitter les lieux, la nuit a été courte et la soirée mémorable mais comme l’a dit une soeur à juste titre : “ce qui se passe à Mina doit rester à Mina”. Voilà, vous n’en saurez pas plus, je vous invite à faire votre propre hajj pour vivre cette formidable expérience humaine.

Ce qui est sûr c’est que Mina va à jamais changer nos vies, nos perspectives, on ne peut pas revenir de cet endroit sans être profondément transformé. De cette expérience, je vais revoir pas mal de choses en rentrant, certainement un retour à l’essentiel avec une suppression de pas mal de choses qui ne sont pas indispensables au niveau matériel.

Retour

Le chemin du retour se passe facilement, dernière lapidation aux jamarates.

Ça y est c’est fini, tous les rites sont validés, le Hajj 2018 c’est fini.

Un très grand moment d’émotion a suivi, Sami pleure, il nous explique que nos âmes sont liées à jamais, qu’un groupe de personnes sera jalousé même par les prophète et ce groupe ce sont les personnes qui se sont réunies que pour Allah et en Allah. On ne peut s’empêcher de penser que nous pourrions faire partie de ce groupe.

À mon tour je suis submergée par l’émotion, c’est trop fort ce qu’on vit, notre groupe est tellement beau, uni, sincère et pure. Mes larmes ne cessent de couler, je prends conscience que Dieu nous a facilité et qu’Il nous a permis d’accomplir notre pèlerinage entièrement, Allahou Akbar, notre rêve s’est réalisé.

Ce que nous attendions depuis des mois, des années pour certains, s’est réalisé par la grâce de Dieu soubhanah.

Puisse Dieu permettre à tous ceux qui le désirent d’accomplir ce 5ème pilier amine !



Author: Sami
J'accompagne des groupes Hajj & Omra depuis 2005. J'ai ensuite créé ce blog en 2014 pour partager ma passion de la Mecque et Médine et partager mon expérience pour vous aider à mieux préparer vos Hajj/Omra.
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Fatima Umm SuhayB
6 années il y a

Salam aleikoum,

Magnifique récit Allahouma Baarik. Très chère soeur qu’Allah Le Très Haut accepte votre hajj ainsi que celui de tous nos frères et soeurs pèlerins. Qu’Allah Le Très Haut facilite à tous les musulmans sincères de se rendre dans ces magnifiques endroits au moins une fois dans leur vie.

Wafa
6 années il y a

salamou aleykoum
Qu’allah accepte votre hajj!!je partage comme toi ce sentiment d’appartenance, cette proximite avec les soeurs et pour te rassurer les liens sont toujours aussi forts meme en rentrant!!!al hamdoullillah wa chokrollillah (certaines se reconnaitront) Je vous souhaite de tout coeur de passer un bon sejour a Medine !!!
Ps: transmettez le salam a notre cher prophete SAWS

Al badawiya
6 années il y a

Assalam 3alaykoum,

Barakallahou fiki Linda de te livrer autant à coeur ouvert, je suis très touchée par vos récits…

Qu’Allah t’agrée ainsi que tout le groupe et vous augmente Ses Bienfaits apparents et cachés

Khadija
6 années il y a

Baraka Allahou fiki Linda pour ce partage et ce récit. Pendant le hajj de l’an passé j’ai taggé un point levé pour milité pour une version féminine de SamI. A l’époque j’ai levé le point pour Hind en tout logique Là je tagg … Chapeau madame.j’ai l’impression d’avoir marché des km a vos côtés, d’avoir ÉTÉ sous la tente avec vous et de pleuré au moment de la fin officiel du hajj. J’ai beaucoup lu et décortiqué les récits de Sami mais il me manquait toujours un point de vue féminin, une vision féminine du hajj et surtout sur ce… Lire la suite »

Kawtar
5 années il y a

Barakallahoufiki ma soeur pour ce beau partage….qu’Allah soubhanou te comble de ses bienfaits ainsi que ta famille à chaque lecture bi idnihi taala

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